Medtech

Santé humaine

Édito

"Remettre l'homme dans la boucle de l'innovation"

Partager sur facebook
Partager sur twitter
Partager sur linkedin
Partager sur google
Partager sur reddit
Partager sur tumblr
Partager sur pinterest

Les modèles datant de « l’ère des dinosaures » sont en voie d’être bousculés dans le domaine de la santé. Une allusion du paléoanthropologue Pascal Picq en introduisant le 11 octobre un nouveau cycle de conférences Essec-Centrale Santé traitant de la genèse des projets d’innovation en santé ; et notamment de la co-construction et de la co-évolution des filières santé entre Hôpital Public et entreprises, petites ou grandes. «Il est clair que les professionnels de santé garants des pratiques médicales doivent définir des protocoles qui conduisent à la programmation d’algorithmes par des spécialistes informatiques. Que va-t-il se passer si ces algorithmes sont développés par des « data scientists » qui ne comprennent pas les pratiques médicales ? L’objet de cette conférence est de montrer qu’il n’y a pas opposition mais complémentarité entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine. Nous avons besoin d’hommes et de femmes qui ont des compétences métiers et comprennent les algorithmes qui vont être utilisés, c’est un enjeu de formation» s’exclame Manuel Gea, co-organisateur de ce débat avec Gilles Lasserre et Michel Daigne.

« Dans le monde à la vitesse où l’on va aujourd’hui, travailler ensemble va permettre de créer plus de valeur. Il faut remettre l’homme au cœur du système. Il faut des gens qui comprennent les systèmes et les pratiques. Notre survie dépend de notre capacité à créer des espaces d’expérimentations tels que l’i-Lab  qui vont intervenir à différents niveaux du parcours du patient, du médecin, et à l’hôpital. C’est d’observation qu’il s’agit » explique Olivier Delabroy, un Centralien à la fois VP transformation digitale, fondateur de l’incubateur I-Lab et membre du board du fonds ALIAD  au sein du Groupe Air Liquide. « Revendiquer la place de l’humain dans la transformation Digitale est un enjeu dont la France et l’Europe doivent se saisir maintenant, proposant une vision alternative à celle proposée par la Silicon Valley» considère-t-il.

Il s’agit bien de co-évolution, l’hôpital public étant « un écosystème en transformation », comme l’intervention de David Pinay l’a démontré. Qui sont-ils ces innovateurs? Des personnalités atypiques, à coup sûr. Jean-Bernard Gouyon, professeur de pédiatrie et directeur du Centre d’Etudes Périnatales de l’Océan Indien (CHU et Université de la Réunion), est l’un de ces oiseaux rares qui, en dépit des obstacles, a cherché à développer et à promouvoir un logiciel de prescription pour les nouveau-nés et, en particulier, les grands prématurés. Avec sa femme le Dr Béatrice Gouyon, pédiatre et chercheur, il a co-fondé la société Logiprem-F à partir du constat suivant : les médicaments sont la troisième cause d’Evénements Indésirables Graves (E.I.G.) (1)« Chez les prématurés, il y a 4 fois plus d’erreurs de prescriptions et elles sont deux fois plus graves. Une erreur de dose affecte 90 % des grands prématurés au moins une fois au cours de leur hospitalisation » observe-t-il. Des erreurs qui ne viennent pas d’un manque de compétences mais presque toujours de défauts d’organisation. En 2007, il initie un système de prescription permettant aussi le benchmarking entre les établissements hospitaliers pour améliorer les pratiques thérapeutiques et mieux cerner les effets secondaires des médicaments. Après une longue phase préparatoire, la société Logiprem-F fut créée en 2011 et le logiciel déployé à partir de 2014. Son succès tient à la simplicité d’utilisation pour le prescripteur, une production d’ordonnances conforme à la réglementation et aux besoins des infirmières, la possibilité d’une mise en commun de tous les dossiers de prescription dans une base de données commune (2). L’appui de l’Europe, de la Région et surtout du CHU de La Réunion ont été déterminants pour le financement du projet. Fin 2016, le logiciel sera utilisé dans 25 unités de réanimation néonatales en France. Enfin, la start-up bénéficie du label French Tech e-santé de La Réunion, et fait partie des  11 entreprises sélectionnées pour le French Tech China Tour 2016.

Thérèse Bouveret.

(1) Il y a 2,6 EIG pour 1000 malades, soit 60 000 à 120 000 cas par an en France dont 15 000 à 60 000 sont évitables. D’après les résultats du groupe de travail 2014 LeapFrog Hospital, il en résulte pour les patients auxquels on a administré de mauvais médicaments un coût global de 3,8 millions de dollars soit 4300$ par patient.

(2)Cette base de données est concurrentielle puisqu’elle contient les prescriptions de 10 000 nouveaux nés recueillies dans les hôpitaux français et elle a reçu l’autorisation de la CNIL pour stocker ces données en hébergement centralisé (coopération sanitaire)

.